La Nouvelle Encre
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Aberrant ! La nouvelle pièce de Tobias M. Visse, une critique du journalisme, ou un pied dans la tombe littéraire ?


Après de nombreux échecs cuisants, Tobias M. Visse revient sur le devant de la scène avec une pièce aussi absurde que mauvaise, "De chair et de papier", une pièce qui, à défaut d’avoir un sens, a au moins l’avantage d’exister.
On y retrouve tout ce qui fait son style : des dialogues qui se prennent pour du Bernanos, mais qui sonnent comme du mauvais café-théâtre, une obsession mal digérée pour le sacré, et bien sûr, cette éternelle prétention à "questionner" ce qui, à force d’être questionné, finit par s’écrouler sous le poids du vide.
Car que nous dit De chair et de papier ? Rien que nous ne sachions déjà : Visse ne croit en rien, sauf en sa propre capacité à faire semblant. Il joue les athées hantés par Dieu, les moralistes sans morale, les poètes maudits, mais bien nourris. Ce qui pourrait être un paradoxe fascinant n’est en réalité qu’une posture usée, une branlette intellectuelle où le spectateur est sommé d’applaudir l’ombre de quelque chose qui ne se matérialise jamais.
Il y a, au centre de De chair et de papier, un journaliste grotesque, une caricature de cocaïnomane fulminant, convaincu de son propre génie alors qu’il radote en boucle. Visse, dans son habituelle lourdeur, en fait un pantin frénétique, un animal de papier rongé par l’orgueil et la poudre. Subtil comme un coup de massue. Et pourtant… il faut admettre qu’il a l’œil. Ce genre de personnage ne s’invente pas. Il se reconnaît.
Et puis, il y a cette étrange fixation sur La Nouvelle Encre, notre journal, cible évidente de sa satire maladroite. Que veut-il ? Une réponse ? Une querelle épistolaire ? Qu’on s’émeuve ? Si c’est une attaque, elle manque de tranchant. Si c’est un règlement de comptes, il faudrait encore que nous ayons souvenir d’un quelconque différend avec un homme dont l’œuvre est aussi insaisissable qu’un courant d’air.
On ressort de De chair et de papier avec cette impression familière que Visse s’écoute écrire. Qu’il empile les symboles, les "réflexions", les grands mots vides pour masquer un terrible secret : il n’a plus rien à dire.
"Minuit sur les ruines" : une œuvre d'art ou un accident de voiture au ralenti ?
Il y a des films qui marquent une époque, d’autres qui la ratent. "Minuit sur les ruines" appartient à cette deuxième catégorie, celle des grandes fresques ambitieuses qui s’écrasent sous leur propre poids. On sent, derrière chaque plan, un réalisateur convaincu de signer son chef-d’œuvre, alors qu’il nous inflige deux heures trente d’autocomplaisance sous prétexte de cinéma.
L’histoire, ou ce qui en tient lieu, suit un écrivain alcoolique errant dans une ville en ruine, incapable d’aimer, incapable de créer, et apparemment aussi incapable de dire autre chose que des aphorismes prétentieux. Le scénario tient sur un ticket de métro, mais la mise en scène semble persuadée qu’il faut dilater chaque silence comme si Tarkovski avait découvert la cocaïne. Le héros fixe le vide, les néons clignotent, la musique monte – et tout cela pour aboutir à une révélation existentielle digne d’un mug à citation.
On pourrait excuser le vide narratif si le film était porté par des performances éblouissantes. Hélas, le protagoniste semble joué par un homme qui confond mélancolie et constipation, et les dialogues sonnent comme une discussion entre étudiants de philo un soir de beuverie. Chaque scène hurle “admirez comme je suis profond”, alors qu’en réalité, on assiste à un naufrage en plan-séquence.
Bien sûr, les critiques s’extasieront. On parlera d’"expérience sensorielle", de "poésie visuelle". On expliquera que si vous n’avez pas aimé, c’est que vous n’avez pas compris. Non. J’ai compris. J’ai juste vu un cinéaste confondre lenteur et profondeur, mystère et vide, ambition et prétention.
Au fond, "Minuit sur les ruines" n’est pas un film, c’est un test : combien de temps peut-on faire patienter un spectateur avant qu’il ne vérifie l’heure ?
Ma réponse : une heure et dix-sept minutes. Après quoi, j’ai cessé d’espérer et me suis abandonné à l’idée que ce film, comme la vie, n’avait aucun sens.
Note : 2/5 – Une belle coquille vide, mais une coquille quand même.
Un article d'Eugène Hyacinthe
Un article d'Eugène Hyacinthe